Jean Baffier qui était un régionaliste à tous crins et doté d’un esprit gaulois hors du commun voulu ranimer la foi des derniers ménétriers. Après avoir rassemblé quelques vielleux et cornemuseux qui résidaient dans le département du Cher, il fonde à Paris, le 30 Mars 1888, une société dont le siège social se trouve au 6, Rue Lebouis dans le 14ème Arrondissemen, “La Société des Gâs du Berry et Aultres lieux du centre” (Le mot « Gâs » étant un diminutif de « Gals », c’est à dire Gaulois). Il la dote de deux emblèmes : la bannière et le bâton. La première bannière se compose d’un panneau de bois muni d’un manche. Elle porte la fière devise : « Nout’ soup’ est maigre mais j’ la trem pons dans nout’ écuelle ». A chaque sortie, cette bannière est ornée de guirlandes de lierre naturel, de rameaux de chêne ainsi que de fleurs et de rubans.

Le 21 Septembre 1888, Edmond Augras, à son tour, fonda à Châteauroux une société sœur, aux statuts, aux buts et au nom identiques “La Société des Gâs du Berry et Aultres lieux du centre”, composée de neuf “Gâs”, et dont il conta ainsi l’origine : “Après la guerre de 1870, la défaite et les deuils avaient plongé le pays dans la tristesse. En Berry où on est très sensible, les populations étaient démoralisées et bannissaient des fêtes, les réjouissances d’autrefois. C’est ainsi que de nombreux mariages étaient timidement célébrés sans la cornemuse et la vielle qui se taisaient également à l’occasion des baptêmes, de la gerbaude, des fêtes villageoises…etc… En 1888, j’eus la chance de connaître Jean Baffier. Notre amour de la saine tradition et notre fidélité aux bonnes vieilles coutumes nous lièrent d’une amitié qui devait porter ces fruits.”

Les débuts

Origines1

En 1889, 17 Gâs monteront à Paris pour présenter le Berry à l’Exposition Universelle. La société des Gâs du Berry était née. Elle a comme devise “Nout’ soupe est maigre mais j’la trempons dans nout’ écuelle”. Sa bannière, ornée de guirlandes à chaque sortie, est aux trois couleurs du Berry : “Le vert des prairies, le Jaune des moissons et le rouge de la vigne”. Elle se dota d’un chef de musique qui aura comme emblème de commandement un bâton de houx coupé dans le bois de “la mare au diable” et torsadé naturellement par une liane de chèvrefeuille. Son premier président d’honneur sera Maurice Sand, le fils de la célèbre romancière.

Jean Baffier

jean baffier

 

De son village de Neuvy-le-Barrois dans le Cher où il est né le 18 Novembre 1851, Jean Baffier entend chanter « les jaux » de trois pays : Bourbonnais, Nivernais, Berry.

Aussi, ce fils de vigneron garde toute sa vie cette empreinte de la nature. Il quitte Neuvy-le-Barrois pour faire son apprentissage de tailleur de pierre et devient par la suite sculpteur ; ses œuvres sont exposées dans diffé rents musées : Bourges, Nevers, Châteauroux, Saintes, ainsi qu’au Petit Palais à Paris.

Jean Baffier se voyait finir sa vie avec sa vielle comme dernier bien. Ses détracteurs prétendaient qu’il n’était pas musicien. Pour les « Gâs du Berry », il reste le régionaliste qui a réussi à ranimer la foi des derniers ménétriers.

Le comportement de Baffier était à la mesure de sa stature de géant gaulois. Pourtant il est terrassé par la maladie et il décède le 19 Avril 1920.
Celui qui en 1886, à Sancoins avait eu l’idée de fonder une « Société protectrice des arbres et des eaux » est conduit au cimetière sur un char tiré par quatre grands bœufs blancs.

Pour en savoir plus : aller sur l’encyclopédie du net Wikipédia

 

Edmond Augras

Augras

Le 6 Mars 1854, Louise Marié épouse d’Alexis Augras, épicier à Saint-Août, met au monde un enfant prénommé Louis-Edmond. L’un des fondateurs de la Société des Gâs du Berry vient de naître.

Après avoir fréquenté l’école primaire, Edmond Augras quitte son vil lage natal pour La Châtre. Là, il fait son apprentissage de pâtissier-confiseur. Mais ce jeune Berrichon a de l’ambition et l’esprit d’entreprise.

Il quitte cette ville pour venir se perfectionner à Châteauroux. Connais sant bientôt toutes les ficelles du métier, il fonde rue Pasteur une biscuiterie qui va connaître rapidement une grande prospérité et qui aura son prolonge ment jusqu’à nos jours puisque cet établissement deviendra les biscottes Saint Luc puis Auga.

Mais Edmond Augras n’oublie pas Saint-Août. Il aime son pays, son langage maternel et il veut maintenir les vieilles coutumes.

La musique lui va droit au cœur et il refuse de voir s’éteindre les voix des vielles et des cornemuses.

Qelles sont donc les raisons qui ont poussé Augras à rassembler les derniers ménétriers ? C’est dans une lettre adressée en Juillet 1924 à Laurian Touraine et Emile Barbillat et qui figure dans leurs recueils de chansons populaires qu’il faut trouver la réponse. « Après la guerre de 1870 la défaite et les deuils avaient plongé le pays dans la tristesse. Particulièrement en Berry, où on est très sensible, les populations étaient démoralisées et bannis saient des fêtes, les réjouissances d’autrefois. C’est ainsi que de nombreux mariages étaient timidement célébrés sans la cornemuse et la vielle qui se tai saient également à l’occasion des baptêmes, de la gerbaude, etc..

Néanmoins, la saine gaîté reprenait peu à peu ses droits, mais la mode substituait à nos vieux instruments une mauvaise clarinette et un bruyant piston.

Or, au début de 1888, j’eus la joie et la chance de connaître Jean Baffier. Notre commun attachement au sol natal, notre amour de la saine tradition, notre fidélité aux bonnes vieilles coutumes ne tardèrent pas à nous lier d’une amitié qui devait bientôt porter ses fruits. Jean Baffier avait eu la même pensée que moi et, pour sauver nos vieux instruments, avait déjà groupé un certain nombre de vielleux et cornemuseux du Cher qu’il condui sait dans les fêtes. C’était la voie, je n’hésitai pas à l’imiter.

Vielles et cornemuses étaient généralement oubliées dans les greniers où elles étaient devenues le repaire des rats. Je les fis remettre en état en même temps que je décidais les musiciens à venir avec moi et bientôt la Société des Gâs du Berry était fondée.

Un doux souvenir, qui m’est une récompense, est resté gravé dans ma mémoire : celui d’avoir vu tous les Gâs reprendre, avec un réel courage, les instruments délaissés. Comme pour l’accomplissement d’un devoir, ils assis taient aux répétitions, donnaient des leçons aux jeunes élèves, heureux d’affirmer leur fidélité à leurs devanciers. Ils ont continué, conservant la sin cérité de leur jeu, se cantonnant dans la musique de nos vallons, évitant la fantaisie et les modes pour rester les interprètes convaincus des chansons de bergères, des mélopées du laboureur, des vieilles et mélodieuses chansons murmurées par les grand’mères aux tout petits de la Vallée Noire ».

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A l’occasion du banquet annuel à Saint-Août (photo devant la maison où Edmond Augras est né), notre ami Gérard Guillaume a évoqué Edmond Augras et les Maîtres Sonneurs, voici le texte de son intervention :
Les Maîtres Sonneurs entre anonymat et gloire…
par Gérard GUILLAUME

Le 6 mars 1854 naissait à Saint-Août (Indre) Edmond Augras. Son père était épicier. Après avoir été apprenti pâtissier, il s’établit comme confiseur et biscuitier à La Châtre. Son passage dans cette ville le marqua idéologiquement. Paradoxalement, cette cité bourgeoise comportait un noyau de personnalités républicaines et anticléricales. Chaque vendredi-saint, une « confrérie de saucissonneurs » narguait les fidèles croyants sur le parvis de l’église. Plus tard, Augras fut franc-maçon et libre-penseur. Très marqué à gauche, il fonda la section locale de la Ligue des Droits de l’Homme. Marié à 21 ans, Il fonda une petite industrie de pâtissier-liquoriste, puis s’installa à Châteauroux. Il innova dans la fabrication des biscuits : four à tôle tournante, chauffage au mazout… Ses productions étaient réputées. Dans chaque boîte on trouvait une image avec légende drolatique inspirée d’un proverbe local.

Attaché au parler berrichon et aux traditions de la province il co-fonda en 1888 la société folklorique des Gâs du Berry avec Jean Baffier, lui très marqué à l’extrême droite.

Résumée ainsi, cette part d’histoire de la musique traditionnelle paraît très simple. Un observateur extérieur pourrait imaginer son écoulement comme un long fleuve tranquille et croire que l’initiative d’Augras de rassembler des sonneurs de vielles et de cornemuses est le résultat d’une pratique populaire demeurée toujours vivante.

Quiconque se reporte à ses écrits mettra toutefois un bémol à cette affirmation. Nous lisons en effet : “Après la guerre de 1870, la défaite et les deuils avaient plongé le pays dans la tristesse. En Berry où on est très sensible, les populations étaient démoralisées et bannissaient des fêtes, les réjouissances d’autrefois. C’est ainsi que de nombreux mariages étaient timidement célébrés sans la cornemuse et la vielle qui se taisaient également à l’occasion des baptêmes, de la gerbaude, des fêtes villageoises, etc. En 1888, j’eus la chance de connaître Jean Baffier. Notre amour de la saine tradition et notre fidélité aux bonnes vieilles coutumes nous lièrent d’une amitié qui devait porter ces fruits.”

Et nous imaginons Augras venant prier de vieux ménétriers jadis célèbres de reprendre leurs instruments. Cette narration relève quelque peu de la légende. Pour y voir plus clair, il est nécessaire de croiser quelques dates et de décrire le contexte correspondant à chacune.
1854. Naissance d’Edmond Augras.

Quel écho la presse accordait-elle alors à nos « sonneurs » ?

En 1856, la mairie de La Châtre organise deux bals pour fêter le retour de Crimée.
Le premier est animé par basse et violons. Les noms des artistes sont cités.
Le deuxième est accompagné de vielles et de cornemuses. Les musiciens restent anonymes.
Pour trouver leurs traces, il nous faut quitter la rubrique « arts et culture » pour celle des tribunaux…

En 1858 (le 6 août). Gabriel Aucouturier, dit Doré, âgé de 64 ans (il était né à La Breuille, commune de Nohant-Vic et mourut en 1859 à La Châtre), est condamné à Châteaumeillant à 1 franc d’amende pour « avoir laissé sans nécessité des piquets sur la voie publique lesquels ont diminué la sûreté du passage ».

Le 5 juillet 1861, sont arrêtés pour « outrage public et violence légère » Hippolyte Moreau, 24 ans et Jean Aussage, dit Cadet, 54 ans.

Et si nous regardons les registres d’état-civil, à la recherche de nos vielleux et cornemuseux, nous serons déçus. Sauf à connaître précisément leurs dates de naissance et leurs lieux d’habitation, nous ne les retrouverons pas car ils apparaissent avec leurs métiers « officiels » : sabotiers, journaliers, vignerons, tourneurs sur bois, etc.
1853. Parution des « Maîtres-Sonneurs ».
1858. Parution des « Légendes Rustiques »
1866. Parution des « Promenades autour d’un village », publiées en feuilleton en 1857 et 1858.

Ces trois ouvrages de George Sand marquent un tournant important dans la perception des musiciens traditionnels.

Au lieu d’être cités dans des faits divers, les ménétriers deviennent héros de romans. La dame de Nohant les invite souvent à jouer devant ses hôtes. Avec Pauline Viardot, alors jeune cantatrice et pianiste, Chopin (de 1839 à 1846) fut associé aux fêtes, assemblées et noces du pays. Et, pour ces amateurs de mélodies populaires, ce devint une forme de jeu que de chercher à noter les chants alternés et les bourrées qu’ils avaient entendu jouer ici ou là par les maîtres sonneurs.

Des années plus tard, en 1854, George Sand évoque cette activité dans sa correspondance avec l’écrivain Jules Champfleury : « J’ai vu Chopin, un des plus grands musiciens de notre époque, et Madame Pauline Viardot, la plus grande musicienne qui existe, passer des heures à essayer de transcrire quelques phrases mélodiques de nos chanteuses et de nos sonneurs de cornemuses ».

En 1850, George Sand nota elle-même des airs et des danses berrichonnes pour sa pièce Claudie. Àpropos de l’une d’entre elles, la “Bourrée de Marsillat”, elle confie dans une lettre au musicien Adolphe Vaillard : « Dans cette bourrée, il y a un trille affreusement faux… Oserez-vous le risquer ? Ce fa naturel est produit par l’insuffisance de l’instrument du ménétrier. La cornemuse ne va pas jusqu’au dièse, les oreilles s’y habituent si bien que la bourrée demeure ainsi dans la tradition. Au premier moment, on rit et puis cela devient si sauvage à entendre répéter avec aplomb que l’on ne peut plus s’en passer ». Plus loin, elle se souvient que Chopin appréciait particulièrement cette bourrée « comme un spécimen de la danse des bûcherons dans les bois. Il n’a pas voulu l’écrire, mais il l’a souvent jouée à Paris avec son trille faux, devant les maîtres. Ils riaient mais ils la lui faisaient répéter dix fois. Il la jouait extrêmement vite et elle y gagnait ».

Cet intérêt pour la musique et les musiciens populaires apparaît dans ses écrits. Ainsi retrouvons-nous Doré dans les Maîtres-Sonneurs et dans les « Promenades autour d’un village » (où il est associé à Moreau). Il est question dans ce dernier texte de l’animation de la fête patronale (l’assemblée) de la Sainte Anne à Nohant.

« Le vieux Doré se targue d’avoir des droits à la préférence des gens d’ici. Il a été assez habile dans son temps, et il a beaucoup gagné. Il était seul alors pour cinq ou six paroisses et faisait souvent des journées de dix écus. Mais il s’est négligé dans son art et, quelquefois distrait dès le matin, il coupait tout le jour les jambes à son monde, en sortant plus que de raison du ton et de la mesure. Et puis le cornemuseux croit que le souffle et le succès ne le trahiront jamais, tandis que l’un est plus fugitif que l’autre. Il n’amasse guère ; et, aux champs comme ailleurs, tout artiste veut mener la vie d’artiste. Bien qu’il travaille de ses bras toute la semaine, il n’est pas réputé bon ouvrier et ne trouve pas beaucoup d’ouvrage (…). Bref, Doré est devenu vieux, maladif et pauvre ».

« Doré gémissait et me reprochait doucement, mais tristement, d’être de ceux qui lui avaient fait du tort. « Il fut un temps, disait-il, où, quand vous vouliez entendre la cornemuse ou faire danser la jeunesse, c’était toujours moi que vous appeliez. Et puis, tout d’un coup, vous avez eu une dame de Paris, une fameuse Pauline Viardot, qui voulait écrire nos airs et vous avez demandé Marsillat, qui était à plus de douze lieues d’ici, pendant que j’étais sous votre main. Cela a été un crève-cœur pour moi ; je me suis questionné l’esprit pour savoir en quoi j’avais manqué, et, de chagrin, j’ai quitté l’endroit pour aller vivre à la ville, où je vis encore plus mal ».

Plus loin, George Sand parle de Moreau, que nous retrouverons parmi les tous premiers « Gâs du Berry » en 1888.

Laisnel de La Salle (1801-1870), le premier ethnologue du Berry, présente aussi dans ses fameuses chroniques cette chanson à la gloire de Doré :

« C’est l’grand Doré qui jou’ de la musette
Le grand Doré, l’artisse du canton,
C’est que c’ti là, n’est pas une mazette
Il est connu d’La Châtre à Argenton ».

Dans les « Légendes rustiques », George Sand raconte l’histoire du grand Julien, de Saint-Août, qui avait le privilège de jouer à la grand-messe, durant l’élévation, des airs d’église « ce qui rentrait bien dans l’éducation musicale des ménétriers de ce temps-là, mais qui leur était rarement permis par les curés, à cause de leurs pratiques secrètes, qui n’étaient pas, disait-on, les plus catholiques du monde ». Une nuit « comme il revenait de jouer, trois jours durant, à une noce de campagne, il rencontra, dans la brande, une musette qui jouait toute seule ». Voyant cette musette toute reluisante d’argent, il la suivit, étonné de ne pas connaître l’air qu’elle disait et retourna souvent pour l’entendre sans se rendre compte des mauvaises influences qu’il subissait ainsi… Et un jour de grand-messe carillonnée, au lieu de sa chanson d’église, « ce qu’il joua ne fut autre que la chanson du diable que le vent lui avait apprise. La chose dérangea M. le curé qui, par trois fois, avant de consacrer l’hostie, s’agita et frappa du pied pour faire taire cette mauvaise complainte ; mais songeant enfin que Dieu se ferait bien respecter lui-même, il dit les paroles de la consécration et éleva l’hostie. Au même moment, la musette à Julien se creva dans ses mains, avec un bruit comme si l’âme du diable en fut sortie. On dit que les autres sonneurs lui firent des peines pour avoir vendu le secret et qu’ils le battirent souvent pour se revenger ».

La figure de Julien avait pu être inspirée par certains cornemuseux reçus à Nohant comme Blanchet, évoqué dans les « Promenades autour d’un village ».

« Blanchet, de Condé, est dans la force de l’âge et du talent. C’est un véritable maître sonneur, plus instruit et mieux doué que le vieux Doré. Il n’a pas dédaigné les traditions et sait de fort belles choses, aussi bien pour la messe que pour le bal. Il sait accompagner le plain-chant et s’accorder avec trois autres cornemuses à l’offertoire. Je l’ai entendu une fois consacrer la cérémonie du chou, à un lendemain de noce, par un chant grave d’une originalité extrême et d’une facture magnifique. Je le priai de venir le lendemain pour moi seule et il me joua des bourrées de sa composition très bien faites et nullement pillées dans les airs de vaudeville que nos sonneurs modernes ramassent, tant bien que mal, sur les routes et dans les cabarets.
La situation dans les années 1880-1890

Par rapport à ce que nous avons décrit dans les années 1850, l’approche de la musique traditionnelles par les « médias » devient toute différente

L’Echo de l’Indre écrit le 23 juin 1890 : « Chez nous, nos vielleux et nos cornemuseux jouent dans nos bals et dans nos noces du cornet à piston et du violon et s’en vont réveiller les échos de Châteauroux en présence d’une foule qui les acclame ».

« A propos de bourrées, nous avons entendu beaucoup de personnes regretter que les Moreau, qui jouent si bien de la cornemuse et de la vielle n’aient pas ressaisi pour ce jour ces vieux instruments qui enchantaient nos pères ; non pas que nous fassions fi des violons et des pistons mais nos vieux airs locaux perdent leur saveur à être joués sur des instruments modernes (Echo de l’Indre, 29 juin 1894, Compte rendu de la Saint Jean).

Comme nous le voyons, il n’est plus question de cuites et de rixes. Les proscrits d’hier sont devenus des « stars » que l’on s’arrache.

A sa mort « le père Moreau », dit « Polyte » (1837-1901), est déclaré « ménétrier » à l’état civil. Et son activité de fabricant de hautbois est célébrée dans nombre de journaux.

C’est dans ce contexte qu’intervient Augras. Il ne va pas chercher des sonneurs qui auraient arrêté de jouer parce qu’ils n’auraient plus été à la mode. Il paye des musiciens qui avaient changé leurs vielles et cornemuses contre des instruments plus « modernes » pour rester dans l’air du temps.

Et il aura l’astuce de les réunir en leur donnant des statuts et des usages dont certains nous ramènent aux écrits de George Sand.

On peut ainsi remarquer dans la pratique et le règlement des premiers Gâs du Berry des influences typiquement sandiennes (d’autant plus renforcées que les membres fondateurs étaient souvent compagnons ou franc-maçons ) :

– l’emploi régulier du terme « Maître Sonneur » ;
– l’esprit corporatiste ;
– l’organisation de concours à l’origine à Saint Chartier et l’existence de plusieurs degrés (aspirant ou stagiaire, sociétaire) parmi les musiciens admis.

Cet univers « reconstitué » se retrouve dans la lettre que Laurian Touraine écrivait en 1934 à un musicien intéressé pour intégrer la société. Dans ce texte on perçoit combien, grâce à Augras, le mythe des Maîtres Sonneurs inventé par George Sand était devenu réalité.

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Saint-Août, 28 mars 2010

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